dimanche

Valeur du cycle saisonnier

Ce qui ressort immédiatement, à l'observation du diagramme, c'est l'équilibre des forces en présence.

Cet équilibre est triple :

1) Equilibre des figures par analogie

Chacun des huit personnages se complète analogiquement avec son vis à vis. Ainsi le Fou se complète avec l'Ermite, l'Impératrice avec la Papesse, etc.

2) Equilibre des saisons cardinales et intermédiaires

Les quatre saisons cardinales (N, E, S et O) sont représentées par des personnages assis.
Les quatre saisons intermédiaires (NE, SE, SO et NO) sont représentées par des personnages debout et en marche. Même la situation de l'Amoureux n'échappe pas à la règle. En effet, il faut se souvenir qu'à propos de cette lame, il est souvent question d'Hercule s'arrêtant au carrefour du Vice et de la Vertu.
Ainsi, nous avons quatre sédentaires et quatre nomades - le Fou étant, cela va de soi, le premier des nomades.

3) Equilibre numérique

Le cycle saisonnier confirme de façon évidente l'ordre pentagonal du tarot (voir deuxième message).
Nous avons de plus, dans les limites comprises entre les deux solstices, le total de 22 par 13 et 9.
A partir du solstice d'hiver (le Pape) :
5 + 8 = 13
13 + 3 + 6 = 22
A partir du solstice d'été (l'Empereur) :
4 + 9 = 13
13 + 2 + 7 = 22

Or, nous savons maintenant, grâce à la permutation du Fou, que l'on peut attribuer le nombre 22 à la lame de la Justice qui, de ce fait, traduit bien ce qu'elle représente : l'équilibre absolu (c'est un non sens du point de vue de la physique, mais nous traitons ici de symbolisme).
La vingt-deuxième lettre hébraïque, le Tau, associe l'idée de sein à celle de perfection. Dans la lame de la Justice, le sein se trouve exprimé par la féminité du personnage. La perfection se trouve exprimée par l'union du principe vertical (solstices, Epée), et du principe horizontal (équinoxes, Balance).
La Justice apparaît ainsi comme une personnification de la Mère Divine, tour à tour cruelle et tendre, impitoyable et bonne et surtout détentrice de la méthode absolue.

Le nombre huit

Nous avons vu que l'attribution (par substitution) du huit à la lame du Fou accréditait l'idée que le nombre initiatique du Tarot est le huit, et non le sept.
Dans toutes les traditions, le huit associe les notions d'équilibre et d'orientation.
Sa représentation la plus commune est celle de la Rose des Vents, laquelle transparaît derrière le graphisme arabe du nombre huit - un zéro tordu dans l'espace.
Ce zéro tordu est l'expression symbolique et numérique du caducée d'Hermès (Mercure).
C'est aussi l'expression du rythme sinusoïdal à 4 temps :

- lever
- culmination
- coucher
- disparition

rythme que l'on représente habituellement par une courbe de style "biorythme" :

1 / 2 \ 3 \ 4 / ... 1 /

Si nous plaçons sur le pourtour du 8 nos huit lames saisonnières, nous constatons que la Papesse et l'Impératrice (l'Ouest et l'Est) coïncident en son milieu - nous verrons bientôt à quel point cette coïncidence est remarquable (cf l'Amoureux).
Si le nombre sept est traditionnellement celui du Temps (les sept jours de la semaine), le nombre huit est incontestablement le nombre de l'Espace - et surtout de l'espace à conquérir, du centre (ce sens apparaît dans la "marche" du Fou).
A ce titre, il est remarquable de constater que Fou vient du latin follis, signifiant ballon (baudruche). Le propre du ballon n'est-il pas de se diluer dans l'espace ? C'est pour cette raison que le nombre huit est aussi celui du souffle dans ses acceptions les plus diverses : l'esprit, la respiration, le vent, l'air produit par le soufflet du forgeron, ce dernier sens étant à rapprocher d'Héphaïstos, le dieu boiteux patron des alchimistes. Ne disait-on pas au Moyen Age, d'un mauvais alchimiste, qu'il n'était qu'un SOUFFLEUR ?
Pour les hindoux, celui qui maîtrise l'énergie du souffle parvient à la plénitude. C'est probablement l'un des sens primitifs de la quête du Fou.

Les points cardinaux

1) Le Nord = Pape

Le Nord est la région du solstice d'hiver, c'est à dire le moment où, dans l'année, les nuits sont les plus longues. C'est aussi, par conséquent, l'époque où les jours commencent à rallonger, où la lumière recommence à croître.
C'est là l'origine de la fête de Noël, de la naissance de l'enfant divin (25 décembre). Le don du soleil hivernal (= Père Noël) est le don de sa lumière (= son fils, qui n'est autre que le Fou du Tarot).
Le Pape du Tarot, par sa position de maître du solstice d'hiver, peut donc être considéré comme l'initiateur de l'année et - par extension - comme l'initiateur de toute évolution. C'est la divinité dans son aspect masculin.
Chez les peuples du Nord, c'est Thor, Taranis ou encore l'Apollon d'Hyperborée. Chez les anciens mexicains, c'est Tezcatlipoca, le dieu du Nord, des vents nocturnes et du Ciel.
Dans les traditions africaines (Bambaras), le Nord est la région du dieu Faro, maître absolu du Verbe et des Eaux (l'eau est l'attribut de l'hiver).
Les bouddhistes de l'Asie centrale se tournent vers le Nord lorsqu'ils veulent adorer le dieu du Ciel, celui-ci trônant généralement sur la Montagne du Pôle.

2) L'Est = Impératrice

L'Est est la région du Soleil Levant. Par analogie, c'est aussi la région du Printemps.
Le symbolisme de l'Impératrice associe l'Aurore, l'Etoile du matin (Vénus) et la floraison printanière.
Dans les litanies de l'Immaculée Conception, la Vierge est appelée la Porte du Ciel et de l'Orient.
Dans les contes de fées, la Princesse Aurore épouse le Ciel et donne naissance au Jour.
Les anciens mexicains identifient le lever du jour à la résurrection de l'oiseau Quetzal, dieu de la planète Vénus. Par ailleurs, il est bon de souligner l'origine étymologique du verbe orienter et s'orienter, qui n'est autre qu'orient.
S'orienter, c'est marcher vers l'orient, et, par extension, se lever, naître.
Et nous retrouvons là le sens authentique de la lame du Fou (l'Espace) qui est celui de marcher vers sa renaissance.

3) Le Sud = Empereur

Le Sud est la région du solstice d'Eté. Les jours atteignent leur maximum d'amplitude. En d'autres termes, ils recommencent à décroître (24 juin).
Le symbolisme de l'Empereur illustre assez bien la position du soleil à midi, au solstice d'Eté.
Dans le Yi-King, ou Livre des Mutations des anciens chinois, il est dit : "Ne sois pas triste. Sois comme le soleil en plein midi". Ce qui signifie clairement que lorsque le soleil a dépassé le point zénithal, il redescend naturellement vers la Terre.
Mais cette décroissance n'est pas une chute (au sens humain du terme), car c'est par elle que le processus de la jeunesse, du printemps, peut s'intérioriser dans celui du mûrissement propre à la période de la maturité (été). Autrement dit, les fruits ne naissent pas si les fleurs ne disparaissent pas.
Le rôle de l'Empereur (du solstice d'Eté) est donc d'unir l'Orient et l'Occident, l'Impératrice et la Papesse, ou encore la Femme et la Mère.
Cette volonté d'équilibre par sublimation constitue la problématique de l'Amoureux (lame 6). Sur cette lame, nous voyons l'Amoureux, c'est à dire le Fou du Tarot, qui paraît "hésiter" entre deux femmes. Ces deux femmes qui sont évidemment l'Impératrice et la Papesse ou, transposées sur le plan saisonnier, l'Orient et l'Occident.
Le but de l'Amoureux (futur Empereur) n'est certainement pas de choisir entre ces deux femmes, comme le voudrait l'interprétation conventionnelle, mais de réaliser un équilibre fondamental entre l'une et l'autre, entre l'Amante (l'Impératrice) et la Mère (la Papesse). Ce n'est qu'au prix de cet équilibre difficile entre l'amour profane (sexuel) et l'amour sacré (cosmique), entre le désir et l'abandon, que l'Amoureux deviendra Roi - que le jeune Soleil atteindra finalement son zénith, point de jonction de l'Orient et de l'Occident.
En réalité, il n'y a pas deux femmes sur cette lame, mais une seule, car l'Amoureux n'en épouse qu'une, l'Impératrice. La Papesse (la Mère) doit s'interpréter comme le résultat d'une sublimation de l'Impératrice (l'Amante) par l'Amoureux.
De la même façon, alchimiquement parlant, il n'y a pas deux natures, mais une seule, dont le "sage" (l'Amoureux du Tarot) doit savoir cristalliser l'énergie diffuse.
A ce titre, le Tarot rejoint la grande conception hindoue (et celtique) de l'Univers, qui fait de la Mère (la Déesse) la condition primordiale de l'évolution et de l'accomplissement masculins.

L'Impératrice n'est pas seulement la Porte de l'Orient, elle est l'Animatrice du processus de maturation considéré dans sa totalité.
C'est pour cette raison fondamentale qu'il faut envisager l'Empereur comme une résultante de l'Impératrice et non pas comme une simple complémentarité masculine. En d'autres termes, l'Empereur a son origine dans l'Impératrice, tout comme l'enfant a son origine dans la Mère.
Le Tarot est un système logique : il nous dit qu'il faut être Fou pour être Amoureux, et Amoureux pour être Roi. La démarche inverse est une absurdité, ou une régression. Et pourtant, c'est ce genre d'absurdité qui nous guette si l'on persiste à vouloir interpréter les lames dans l'ordre conventionnel.
Avec l'Empereur, Amoureux triomphant, principe du solstice d'Eté, s'achève la partie croissante de l'année, symbolisée par la Roue de Fortune et son sens de rotation (Est). Dès lors, le centre du Cercle l'emporte sur la circonférence (Roue) et nous entrons dans le domaine du Bateleur, dont le visage est évidemment tourné vers l'Ouest, preuve de son rapport avec la partie décroissante de l'année.

4) L'Ouest = Papesse

L'Ouest est la région du soleil couchant, par extension celle de l'Automne, étape marquant la progression de l'obscurité sur la lumière.
Dans toutes les traditions, cette région est celle de la Mort, du sommeil, de l'oubli, de la Maison (Précolombiens), voire du Paradis (Celtes). Ces idées surgissent du fait que le soleil, après avoir accompli son oeuvre annuelle, est censé rentrer chez lui, sous la Terre.
De même que l'Impératrice représentait l'Air et la croissance, la Papesse du Tarot représente la Terre maternelle et la décroissance. Elle est la Mère par excellence, en réalité le point d'impact de l'Ermite, comme l'Impératrice était le point d'impact du Fou, mais en sens inverse (cf diagramme). L'Ermite est en quelque sorte le Fou de l'Ouest, celui qui, par son mariage avec l'Impératrice, est parvenu à la situation d'Empereur, identifiant pour cela son propre "double" féminin (Impératrice) avec le principe féminin supérieur (Papesse). A l'inverse du Fou, son pendant, le parcours de l'Ermite est descendant, indice de déclin, d'une part, et d'autre part indice de facilité, d'aisance à maintenir le cap dans la bonne direction (= Chariot). Nous avons vu en quoi la phase décroissante de l'année (été-automne) n'était pas une chute, mais tout simplement la réalisation de la phase croissante (hiver-printemps).
L'Ermite ne fait pas autre chose que retourner à l'origine de toute vie, origine symbolisée par la Papesse, la Mère Cosmique. Le Fou "s'orientant" vers l'Impératrice représente la découverte de l'amour. L'Ermite s'orientant vers la Papesse (on devrait dire "s'occidant") représente la découverte de sa propre vérité - vérité de l'homme régénéré, réconcilié avec la Nature, ce que traduit précisément le symbolisme du Chariot, 7ème lame du Tarot.

1 commentaire:

  1. Bonjour,
    vous venez de soulever un sujet fort interessant et votre travail a du merite, il faut creuser encore plus loin et produire un veritable article sur la question de la Roue de Fortune!
    Mes encouragements!

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