jeudi

Les dix lames astronomiques (suite)

L' Amoureux (6)

L'Amoureux fait suite à l'Impératrice et s'apparente au Chariot.
Second des quatre marcheurs.

1) Astronomie : représente le Sud-Est et le matin (ascension du Soleil). Il correspond à l'ancienne fête celtique de Beltaine, à la date du 1er mai, devenue la fête du muguet.
On célébrait jadis le renouveau du Soleil en s'assemblant autour de "l'Arbre de Mai" - pin ou mélèze que l'on coupait et que l'on faisait brûler en haut d'une colline. Dans l'ancienne Irlande, le mois de mai était considéré comme néfaste. De nombreux interdits - surtout d'ordre sexuel - pesaient sur lui.
A Rome, il était déconseillé de se marier en mai. Depuis lors, ces tabous ont été christianisés, et le mois de mai est devenu le mois de Marie, mois de continence et de chasteté.
On retrouve parmi ces avatars de mai le conflit caractéristique de l'Amoureux : charnel et spirituel, profane et sacré, égoïsme et altruisme, etc. Il est indéniable que ces tabous et ces interdits visent - dans une certaine mesure - à résoudre le difficile problème de cet arcane, qui est d'unir deux forces opposées (en apparence).

2) Astrologie : Mercure (Hermes).

3) Symbole : triangle renversé (pointe en bas).

4) Signification : identification de l'Epouse à la Mère, sublimation, orientation de l'individuel dans le sens de l'universel.
Le problème de l'Amoureux n'est pas un problème de choix, mais de sublimation. Il ne s'agit pas de jeter son dévolu sur l'une des deux femmes. Il s'agit de sanctifier la première (la Femme) grâce à la seconde (la Mère), le terme "sanctifier" ne devant en aucun cas être pris dans le sens de "castration".
- Toute femme est appelée à devenir mère à travers la conception (ce qui ne veut pas dire qu'une femme sans enfant ne soit pas une "mère"), unissant de cette manière l'amour "charnel" et l'amour "spirituel" dans une même signification. Il n'y a pas "deux" amours, de même que, sur la sixième lame du Tarot, il n'y a pas "deux" femmes qui s'opposent. La première et la deuxième (l'Impératrice et la Papesse) sont en réalité deux en une. Ce sont les deux aspects d'une même réalité (Déesse-Mère) conjugués par le savoir-faire de l'Amoureux, qui devient dès lors le champion de l'Amour Courtois.
L'Amoureux tourne son visage vers la droite, amorçant l'évolution vers la Mère (l'universel) et indiquant par là le sens de sa destinée, futur Empereur.
Sa compagne de gauche est sans couronne. Il faut interpréter ceci - à l'appui de notre thèse - dans le sens d'une passation de l'Impératrice à la Papesse, une remise de pouvoir en quelque sorte, - ce qui montre bien le rôle que joue la mère dans cet arcane, rôle consistant à sublimer l'attachement naturel de l'homme pour la femme. La pratique de la chasteté trouve sa raison d'être à la lueur de cette signification. Or, la chasteté clairvoyante constitue la base de l'amour tantrique.
Si l'on considère le jeu des mains si délicat de cette sixième lame du Tarot, on s'aperçoit qu'il met en évidence des points stratégiques du corps humain, appelés "chakras" (= roues) dans l'ésotérisme hindou.
Ainsi, la main droite de la femme couronnée (mère) se trouve à la hauteur du premier chakra, celui du sexe.
La main droite de l'Amoureux se situe à hauteur du deuxième chakra, le nombril.
La main gauche de la femme blonde (épouse de l'Amoureux) se situe à hauteur du troisième chakra, celui du Coeur (et, par ailleurs, semble indiquer la présence de la femme couronnée).
La main gauche de la femme couronnée se trouve au niveau du quatrième chakra, celui de la gorge. Enfin, le dernier chakra (la tête) est indiqué par la position du petit Eros lui-même.
Ces indices pourraient nettement faire pencher en faveur d'une conception tantrique du Tarot, surtout si l'on sait que les romans courtois, si typiquement médiévaux, ne sont pas autre chose que d'authentiques traités d'amour tantrique.

5) Psychologie : ultimatum - décision - choix - scrupules - hésitation - doute - fatalisme. Finalement, acceptation du destin.


Les mystères d'Eleusis

Il est surprenant de constater que jusqu'à présent aucun commentateur du Tarot n'ait pensé à rapprocher l'image de l'Amoureux de la célèbre stèle d'Eleusis conservée au musée d'Athènes, oeuvre datant de 435 av. JC.

Nous y voyons figurer, de gauche à droite :

DEMETER - TRIPTOLEME - CORE

Autrement dit
:

LA VIERGE MERE - L' AMOUREUX - LA VIERGE FILLE

La similitude est aveuglante. Or, que nous dit le mythe d'Eleusis ?
Triptolème, en reconnaissant les pouvoirs de la Terre-Mère (Déméter), permet à cette dernière de délivrer sa fille (Coré) de l'emprise d'Hadès qui la tient prisonnière pendant les six mois d'hiver.
En reconnaissant la fille à travers la mère à laquelle il s'identifie, Triptolème unit la mère et la fille pendant les six mois d'été.
C'est exactement de sens de l'Amoureux : sublimation de la Femme par la Mère.
En réalité, ce n'est pas Déméter qui délivre Coré, mais bien Triptolème, qui recevra de ce fait, en récompense de son dévouement, de la semence de blé, une charrue et un char traîné par des dragons.
Triptolème parcourant la Terre dans son char pour enseigner l'agriculture aux hommes, c'est évidemment l'Amoureux parvenu au stade final du Chariot (7ème lame), transfiguré par sa nouvelle condition.
Les deux femmes de l'Amoureux - Déméter et Coré, la Papesse et l'Impératrice - sont devenues les deux juments constituant l'attelage fabuleux du Chariot*, symboles des pouvoirs de la Vierge Mère octroyés au vainqueur de la Civilisation.
Notons que Déméter, comme beaucoup de déesses-mères antiques, est parfois représentée avec une tête de cheval. Quant aux dragons du char de Triptolème, ce sont des représentations archaïques des forces de la Terre-Mère.


* A noter l'homophonie "reines", "rênes" et "rennes", qui est structurée sur la racine R.N d'où est issu "to run" en anglais, courir.

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